Les écuries actives de Lisors chez Pascal Frotiée

4 novembre 20228 mars 2024 Cheval de fille

« Au bout d’1h sans manger, le cheval est en inconfort. Au bout de 3h, il est en souffrance » explique Pascal Frotiée, fondateur avec sa femme Nathalie de la première écurie active en Normandie. En visite avec la formation BPREH de Sées, nous nous trouvons au cœur d’un domaine de 28 hectares d’herbe verte à profusion et qui semble impeccablement entretenu. Pourtant, les chevaux sont en pleine liberté, livrés à leur totale initiative. À peine arrivés, nous sommes bluffés par le superbe état des équidés, leur calme et leur intérêt pour l’humain, qui devient soudainement plus attractif car moins invasif. Certains d’entre nous n’avaient qu’une idée très vague de ce qu’était une écurie active. Comme c’est peut-être votre cas, il fallait que Cheval de fille vous présente les écuries actives de Lisors dans l’Orne, en Normandie. De quoi ouvrir de belles perspectives aux passionnés du cheval et de l’équitation.

Mais d’abord qu’est-ce qu’une écurie active ?

Une écurie active est un concept importé d’Allemagne. C’est un mode de stationnement du cheval conçu autour des ses besoins fondamentaux, autrement dit marcher, manger à volonté, avoir une vie sociale riche, vivre à son rythme et prendre du plaisir. Comment fait-on cela ? En théorie, on fabrique des îlots de nourriture, d’eau et de distraction qui répartissent les sources d’intérêt sur l’ensemble d’un site. Cette configuration oblige les équidés à marcher pour se satisfaire de manière choisie, grâce à une abondance de nourriture diversifiée et en petites quantités. Le but ? Respecter la physiologie des animaux comme à l’état sauvage, mais dans le confort d’une écurie qui peut être adaptée au travail du cheval, voire au sport.

En pratique, concevoir une écurie active tout comme une ferme en permaculture (culture permanente), c’est un véritable MODE DE VIE. Le projet ne peut se passer d’essais, d’erreurs et de réadaptation permanentes, à la fois pour optimiser le bien-être des chevaux et pour diminuer la charge de travail des humains.

La configuration des écuries actives de Lisors

Les écuries actives de Lisors sont constituées d’un îlot d’accueil où nous arrivons. Il s’agit de l’espace de travail équipé d’une carrière en bordsol, d’un petit cross et d’un rond de longe. À droite se trouve une grande stabulation ouverte et au centre, un petit appentis, avec un nécessaire de soin et surtout… un distributeur automatique de grain. IL FAUT QU’ON VOUS PARLE DE ÇA ! Les chevaux, équipés d’un collier détecteur, se faufilent dans une passe en métal. La machine reconnaît l’émetteur du cheval concerné, la porte se ferme et 200 gr de ration s’écoulent dans la gamelle. Chaque cheval à un quota personnalisé défini par son propriétaire qu’il reçoit en fractionné tout au long de la journée.

Aucune bousculade ni mouvement d’humeur. « C’est quand ils doivent attendre leur ration qu’ils développent des comportements agressifs ou de la boulimie. Ici, ils ont tout à disposition et ils restent actifs. ce qui les tranquillise énormément » ajoute Pascal.

Le reste des «attractions» s’organise en étoile sur des sols stabilisés où on évite la boue (magique en hiver !). Tout autour de la propriété sont desservies des parcelles herbagères segmentées, pour éviter le surpâturage. L’eau est en général disposée dans les parcs en herbe sur toute la surface. Au total, ce sont 50 chevaux du retraité au jeune cheval, du poney au mastodonte qui évoluent sur des zones adaptées et personnalisées, tout en profitant de la vie en troupeau.

En parcourant la propriété, on remarque :

un espace foin de qualité ;
un espace foin grossier ;
un abri paille ;
un coin «retraité » (la porte ne s’ouvre que quand un vieux cheval passe, ce qui lui permet de se reposer et de manger tranquille) ;
un pré plantes médicinales qui permet à l’équidé de choisir seul ses médications ;
une brosse tournante sur laquelle les individus adorent se gratter ;
etc.

Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive et se voit améliorée en permanence.

La foire aux questions concernant les écuries de Lisors

Comment se passe l’intégration d’un nouvel arrivant ?

Pascal Frotiée explique que l’intégration se passe progressivement. On installe préalablement le cheval dans un pré où il peut sentir les copains avant de le mélanger au troupeau et on lui montre les chemins un à un. Cette organisation implique que les prestations proposées sont destinées à des pensionnaires long terme. L’émetteur attaché à chaque cheval et les observations qu’on peut faire depuis l’ordinateur permettent de définir des parcours personnalisés. Il semble que dans la plupart des cas, un équidé mette moins d’un mois à comprendre le système.

Arrive-t-il qu’un cheval ne s’habitue pas au principe de l’écurie active ?

En 30 ans d’expérience, cette situation n’est apparemment jamais arrivée. Il semble plus difficile d’intégrer les chevaux qui ont été habitués aux modes de vie « sportifs ». L’extérieur, la profusion de nourriture ou la vie en troupeau peuvent les déboussoler.

Le principe reste de laisser du temps aux nouveaux arrivants et de tout mettre en œuvre pour qu’ils s’adaptent. Nous sommes plutôt acharnés en ce qui concerne ce point et en général, les chevaux nous donnent raison, confie Pascal Frotiée.

Peut-on envisager de mettre son cheval de concours ici ?

Selon Pascal Frotiée, rien n’est impossible pourvu qu’on s’en donne les moyens. Certains chevaux typés sport au débourrage (poste de sa fille) sortent du troupeau et y retournent une fois le travail quotidien accompli. D’autres sont ferrés des 4 pieds. Si un(e) propriétaire annonce une sortie, Pascal se débrouille pour que le cheval se retrouve au bon endroit à un horaire précis. Le tout déjà échauffé, le ventre plein et zen en prime.

Comment gère-t-on les différences de besoins entre les chevaux ?

Vous connaissez tous des chevaux qui restent minces même en mangeant en permanence et d’autres qui grossissent s’ils ont le malheur de regarder le seau de grain, ironise Pascal Frotiée.

Pour éviter cela, il y a le groupe des rouges aux petits besoins et le groupe des jaunes aux gros besoins. Chaque section se voit ouverte des circuits précis tout en ayant des lieux de regroupement communs. Et oui, affinités électives oblige, il est fréquent qu’un maigre adore un gros (comme dans Laurel et Hardi). En plus de cela, certains espaces sont dédiés à une catégorie en particulier et chaque animal à ses rations personnalisées dans le distributeur de grain.

Quel bilan Pascal Fortié tire de ses écuries actives à Lisors ?

Les points faibles des écuries actives de Lisors

Pascal Frotiée, puit de conseils à partager, nous explique que « si c’était à refaire » il choisirait du gravier beaucoup plus fin pour les stabilisés, car ils ont tendance à se déformer. Pour ce qui est des clôtures, il n’y a que du « provisoire » mais de très bonne qualité (des rubans la sanglière), ce qui permet de ne pas impacter le paysage et de changer de configuration au besoin.

C’est tout !

Les points forts des écuries actives de Lisors

On ne prêche pas un convaincu : les points forts sont beaucoup plus nombreux que les points faibles.

Les écuries actives :

évitent le stress aux chevaux en leur permettant de vivre à leur rythme et selon leur physiologie ;
sociabilise les chevaux et annihile l’agressivité vis-à-vis des congénères ;
maintient les équidés en bonne santé physique en les obligeant à marcher (musculature, arthrose) ;
les désensibilise en les incitant par exemple à passer dans des endroits étroits ;
développent leur intelligence ;
supprime pratiquement le risque de coliques ;
permettent d’avoir des chevaux déjà échauffés quand on veut les travailler.

Pour ce qui est des humains, la charge de travail est considérablement allégée : environ 3,5 h de travail quotidien pour 50 chevaux, dont 2h30 de tracteur pour nettoyer les stabilisés. De quoi faire rêver petits et grands…

Vous l’aurez compris, les écuries actives de Lisors, C’EST LES VACANCES pour les chevaux et leurs humains. Enfin du temps pour LE PLAISIR. Pascal, Nathalie Frotiée et leurs filles sont dans un état d’esprit de partage et transmettent volontiers ce qu’ils ont appris au cours de ces années. LE MIEUX RESTE DONC DE LEUR RENDRE VISITE pour s’en mettre plein les lurettes et pourquoi pas, offrir un mode de vie en écurie active à votre cheval (on peut rêver ;).

Charlotte Allinieu

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