Une séance idéale avec un cheval raide

Ce matin aux aurores, je montais mon petit hongre Fitzgerald, si bon élève et si qualiteux. Changement de pied, galop à faux, reculer, allongement… Que du bonheur ! Seulement, voilà. S’il est d’une facilité d’emploi incroyable, c’est aussi un morceau de bois. La plupart du temps d’ailleurs, il galère mais il donne et le lendemain, j’ai l’impression d’être sur une barque indienne en pleine rivière. Pour éviter ça, je me dois de bien comprendre son corps et de lui garantir un confort optimal pour qu’il puisse utiliser ses ressorts avec autant de liant possible. Dans la série « Travailler un cheval qui manque de souplesse », voici une séance idéale avec un cheval raide.

Une pré-séance idéale avec un cheval raide

En fin d’hiver, ça pique encore le matin et les dos sont froids. Il est important de bien chauffer la machine. J’ai la chance d’avoir les chevaux stationnés au pré à 5 min des écuries, ce qui me permet de bien LES MARCHER avant de commencer le travail. 

On peut aussi :

• masser Dada sur les zones à préparer (combiné au bénéfice des lampes chauffantes si vous en avez) ;
• commencer sa séance à pied, en longe;
• laisser son compagnon s’échauffer en liberté.

Pour une pré-séance idéale, je commence toujours en marchant longtemps pour que les muscles se délient. Il n’y a pas de secrets, marcher va aider votre cheval à produire la chaleur nécessaire à une mise à l’effort fructueuse et sans douleurs. J’aime que le pas soit actif pour rentrer de suite dans le vif de l’échauffement, jusqu’à sentir que le cheval SE PORTE TOUT SEUL. La tête en bas est un plus pour vraiment étirer la ligne du dessus. Fitzgerald manque de sang en plus d’être peu souple, ce qui le pousse à rester naturellement EN DEÇÀ DE L’EFFORT À FOURNIR. C’est à moi de détecter ses ruses et de trouver la mesure pour qu’il s’enclenche.

Le signe que l’avant détente va dans le bon sens ? Je sens clairement un petit déclic au niveau du moteur. Il s’attendrit, met de l’activité et il accepte de me « donner son dos ». Il se porte tout seul et je sens qu’il a de plus en plus d’amplitude.

Une mise à l’effort progressive et complète

La détente est le moment de mobiliser tous les ressorts corporels du cheval au maximum de leur capacité. 

Un équidé disponible doit savoir adopter toutes les attitudes en restant à l’aise :

• la tête en bas, délié comme un chewing-gum et en équilibre avec du rebond ;
• la nuque à niveau, en équilibre, et avec une locomotion ample et déliée.

Oui, mais comment on arrive à une mise à l’effort progressive et complète avec un cheval raide ? 

À court, long et moyen terme, on commence toujours par ALLER DANS LE SENS DE L’ANIMAL AU NATUREL. Je m’explique. Fitzgerald est à l’aise LA TÊTE EN BAS, dans un petit trot qui ne va pas le brusquer. Ma détente va être le moment de forcer le trait et de le travailler « le nez dans le sable », au ralenti, avant de lui demander progressivement l’inverse. La raison à cela est simple : c’est en chauffant son corps tel qu’il est que je vais pouvoir ÉLARGIR SA ZONE DE CONFORT à l’opposé de ce qu’il sait faire.

→ Un ostéopathe commence toujours par étirer le muscle dans le sens de la dissymétrie naturelle avant de l’assouplir dans l’autre sens.

Progressivement, c’est Fitzgerald qui va se remonter tout seul et à son rythme. L’attitude qu’on obtiendra en fin de détente validera la qualité du processus.

Quels exercices justement pour mobiliser un cheval raide de manière complète ?

• Les mouvements d’épaules : je fais tomber l’épaule à gauche puis à droite sur une ligne courbe.
• Les transitions intra-allures : j’allonge le pas, le trot et le galop, puis je rassemble en veillant à garder du moteur, du rebond et de la décontraction.
• Les transitions inter-allure montantes et descendantes : je passe du pas au galop et du galop au trot en portant attention à la qualité de chaque allure avec minutie
• Le travail de 2 pistes comme l’épaule en dedans (l’aspirine d’une séance de dressage).

Je dois pouvoir IMPRIMER L’ALLURE DE MES RÊVES DANS MA TÊTE et faire tout pour l’obtenir dès les premières secondes du changement. C’est à moi d’être rigoureuse et dans un état d’esprit de constante amélioration en me demandant si c’était bien EXACTEMENT ça que je voulais obtenir. Petit à petit, le dos de mon cheval va devenir comme un ressort souple et ample. Il doit gagner les attributs nécessaires pour se tendre et se détendre en toute circonstances, sans heurts ni tensions, même quand mes demandes se précipitent (y compris dans l’urgence d’un parcours).

À force de mobiliser l’équilibre latéral et longitudinal, Fitzgerald va trouver seul et par nécessité qu’il est plus confortable d’élever sa nuque tout en prenant le temps de poser ses mouvements.

L’attitude idéale générale doit découler de l’utilisation optimale de chaque partie de son corps, au travers des exercices spécifiques proposés.

L’alliance entre les contraires pour décontracter et mettre à l’effort

Les défenses qui paraissent opposées sont pourtant les deux faces d’une même pièce !

Fitzgerald en bon MORCEAU DE BOIS va naturellement adopter 2 défenses opposées et pourtant liées.

Sans un bon échauffement :

1. soit il va piétiner en sur-équilibre, en galopant sur place et en cornant ;
2. soit il va se mettre à plat en courant après son équilibre et arracher les rênes des mains de son cavalier.

Ces 2 travers sont LES DEUX FACES D’UNE MÊME PIÈCE. Ça veut dire « ça tire mon dos et pour éviter d’avoir mal, je fuis ». Après une bonne détente et une bonne ligne de travail sur le long terme, ça ne doit plus arriver ! Si c’est le cas, je dois être prête à revenir en arrière.

Les exercices que je vais lui proposer vont tous l’inciter à garder la mesure entre ces 2 écueils. Il va devoir SE MOBILISER / tout en restant décontracté, abaisser les hanches / tout en étant prêt à pousser vers l’avant, être réactif et concerné sans précipitation, ni agacement. À l’image du ressort chaud qui se tend et se détend, un cheval mis dans les bonnes conditions d’assouplissement doit pouvoir amplifier ses mouvements EN GARDANT SA BASCULE. Et cela quel que soit les exercices proposés : allongement au galop, changement de pied, saut, etc.

L’alliance entre les contraires va découler de séances progressives et néanmoins exigeantes. Fitzgerald doit accepter l’idée de faire l’effort de tirer son dos sans tricher. En contrepartie je dois faire attention à son physique pour l’articuler sans le braquer. 

Des pistes de travail en séance idéale avec un cheval raide ?

• Lorsque je passe du trot au pas, Monsieur a tendance à penser que l’exercice est fini et à « mourir dans l’allure ». Et bien non ! Faire une transition au pas est un exercice à part entière. Je l’incite donc à effectuer sa transition descendante en poussant, ce qui est apparemment une contradiction. En passant au pas, il abaisse ses hanches et se rassemble. Je lui demande en même temps de déplier son ressort. Mettre à l’effort sur une transition descendante est le meilleur des stretchings !
• Lors de mes transitions galop-trot qui m’aident à passer les hanches de Dada en antéversion, je garde l’impulsion en passant sur des barres au sol (espacées d’1m10 à 1m20). Cet outil va mettre à l’effort mon cheval sans que j’ai à intervenir. Je pourrais alors rester focus sur ma décontraction et celle de mon compagnon.

Après ce genre d’effort, l’équidé doit se porter seul, RÉPERCUTER UN GRAMMAGE IDÉAL ENTRE MES DOIGTS et poser ses mouvements lentement, tout en ayant de la frappe au sol (signe qu’il met de la puissance dans ses allures).

Facile à dire, mais comment on sait exactement qu’on est bon ? 

La validation de fin pour une séance idéale avec un cheval raide

Pour une séance idéale avec un cheval raide, on termine toujours le travail sur quelque chose de bien. Cheval et cavalier gardent ainsi en mémoire LA TRAME QUI VA VALIDER LEUR SYSTÈME DE TRAVAIL SUR LE LONG TERME. 

J’aime beaucoup valider ce genre de séance avec un petit saut, comme une foulée de galop un peu plus marquée ou Fitzgerald décompose pleinement son mouvement, en totale souplesse.

→ Le saut idéal est le carrefour des contraires qui s’assemblent.

Parfait pour un cheval raide qui doit aller loin dans les 2 extrêmes opposés, avec un équilibre parfait entre énergie et décontraction. Quand le saut s’est bien passé, on pense à retrouver la qualité de son galop en réception et c’est seulement une fois parfaitement satisfait de ce galop que l’heure se termine.

Voilà, la validation de fin de séance est faite ! On peut aller marcher pour faire refroidir Dada progressivement et passer quelques minutes agréables avec son compagnon.

En espérant que vous avez aimé cette séance idéale avec un cheval raide, on se retrouve très vite ici pour une autre mise en situation.

À bientôt !

Charlotte Allinieu

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